Le professeur Crawford, spécialiste du cerveau et de la nutrition, travaille depuis de nombreuses années à l’amélioration de la santé de la mère et de l’enfant. Une attention particulière à la nutrition de la femme enceinte et du nourrisson est cruciale pour le futur développement cérébral de l’enfant. Négliger ce point amènerait, sous peu, l’évolution cérébrale de l’homme à s’arrêter.
- Pratiques de Santé : Vous êtes un spécialiste mondialement reconnu pour vous travaux sur la nutrition de la femme enceinte et du nourrisson. Quels sont les enjeux nutritionnels à ce moment précis de la vie ?
Michaël Crawford : Les enjeux nutritionnels sont immenses car ils concernent l’évolution de notre espèce. En 2002, avec d’autres chercheurs, nous avons publié une analyse suggérant que si l’homme est devenu Homo sapiens, c’est sûrement en raison de changements dans son régime alimentaire et l’augmentation du taux de certains lipides. Notre système nerveux et nos neurones, dans leur chimie, sont largement composés de lipides, à hauteur de 60 %.
Ce que je peux dire, c’est qu’actuellement, en raison de la pauvreté de la qualité nutritionnelle de nos aliments et du manque cruel de certains lipides, on peut se demander si nous ne sommes pas en train d’assister, pour la première fois de l’humanité, à un arrêt de l’évolution cérébrale de l’homme. Et comme tant de choses décisives, au niveau du développement cérébral, se jouent lors de la période prénatale, je parcours le monde pour donner des informations et des recommandations à ce sujet.
- À quels types de risques sont exposés les fœtus et les nourrissons en déficience nutritionnelle ?
La situation en Europe occidentale n’est pas aussi dramatique que celle de certaines régions d’Asie où on peut estimer qu’environ 60 % des femmes enceintes sont anémiées et mettent ainsi en péril leur propre santé et surtout celle de leur enfant à venir.
En Occident, nous constatons tout de même que le poids du bébé à la naissance, qui est l’indicateur majeur pour prévoir l’état de santé futur, est au plus bas depuis 1945.
Il faut savoir que si le poids du nourrisson est autour de 2,5 kg, il a deux risques sur mille d’avoir des désordres majeurs du système nerveux. Pour les prématurés dont le poids est autour de 1,4 kg, ce risque monte à deux cents sur mille. Pour les enfants de poids normal mais ayant subi des carences, s’ils échappent aux problèmes cérébraux, ils gardent toute leur vie un risque élevé de maladies chroniques et de faibles capacités mentales et comportementales à l’école.
Au cours des vingt dernières années, nous avons parallèlement constaté une forte augmentation des cas d’autisme et de maladies mentales. D’ici à 2020, de nombreux prévisionnistes pensent que les maladies mentales occuperont le troisième rang des maladies dans les pays occidentaux. Alors, d’une certaine façon, on peut dire qu’il existe un risque important pour la santé des générations à venir.
- D’après vous, quelles sont les premières recommandations à formuler ?
Le 19 juin 2006, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé faisait un discours pour souligner l’importance de la prise en compte de la santé de la femme enceinte et de la jeune mère pour assurer l’avenir de la santé des générations à venir.
La nutrition de la mère est au centre de ce problème. Il est certain que, pour assurer le bon développement cérébral de l’enfant et sa santé générale, une supplémentation de la femme enceinte en lipides de type oméga 3 est nécessaire. J’ai passé une longue partie de ma carrière à travailler sur ce type de lipides, bien avant qu’ils ne deviennent à la mode !
Mais le mieux, est, selon moi, de pouvoir croiser les oméga 3 avec un autre type de lipides, les alkylglycérols. Ils sont naturellement présents dans le lait maternel. D’après mes analyses, ce type de croisement est ce qui se fait de mieux pour assurer une bonne grossesse pour la femme et un état de santé physique, avec moins d’allergies et une bonne immunité pour les nourrissons et les jeunes enfants. Il y a également des études suédoises, dont je partage totalement les conclusions, qui montrent que les enfants ayant pris ces suppléments durant les premières années de leur vie, jusqu’à 7 ans, avaient de meilleures capacités cérébrales, donc de meilleures notes à l’école et un meilleur comportement.
À ma connaissance, le produit le plus probant actuellement disponible est fabriqué par une société française du nom de Nutrilys sous la marque Neuromer®. J’ai mené des recherches avec leurs échantillons.
Le professeur Michael Crawford, 77 ans, est directeur de l’Institut de la chimie du cerveau et de la nutrition humaine à la London Metropolitan University. Il anime par ailleurs la Mother and Child Foundation qui mène des actions humanitaires à travers le monde pour venir en aide aux mères et aux nourrissons au Bangladesh, au Nigeria, en Afrique du Sud et en Chine. Il devrait recevoir cette année le Queen’s Honor, décerné par la reine « en reconnaissance de la contribution du chercheur à l’avancée de la science et de la société ».